Il draguait les adolescents sur internet
Ouest-France / Gérard LEBAILLY. Modifié le 07/04/2017 à 02h01 Publié le 07/04/2017 à 00h00
Le tribunal correctionnel de Saint-Malo a jugé une affaire, qui devrait interpeller parents et adolescents, sur le risque de pédophilie par le biais du web.
Un ancien cuisinier malouin d'une trentaine d'années s'est retranché, hier, derrière de nouvelles obligations professionnelles pour ne pas venir s'expliquer. La justice lui reproche d'avoir voulu corrompre des mineurs via son téléphone et son ordinateur (dont l'adresse IP a été identifiée, mais qui avait été revendu et reconfiguré).
C'est un adolescent breton, placé dans une famille d'accueil de Vendée, qui a donné l'alerte aux gendarmes. Lors d'un tchat sur Skyblog, il a été approché par une soi-disant « Anaïs Berto », avec la photo avenante d'une jeune fille de 14 ans (qui provenait en fait d'un site pédophile américain).
La conversation l'a conduit, ensuite, sur Skype, où sa pseudo-interlocutrice a invoqué des problèmes de webcam pour ne pas être vue. Ses suggestions sexuelles l'ont conduit à se déshabiller presque totalement, l'invitant à se montrer de plus en plus impudique, ainsi qu'à se photographier. Sentant qu'on le manipulait, le jeune garçon s'est arrêté à son dernier sous-vêtement.
Des adolescents vulnérables
Me Jeannesson, qui représente la Sauvegarde de l'enfance, souligne que le mineur de 13 ans a été particulièrement perturbé, car il est déjà suivi dans une ancienne affaire pour avoir été victime d'un viol, à l'âge de 5 ans, par le compagnon de sa mère. « Ce sont toujours des personnes vulnérables, en recherche d'affection et de reconnaissance qui sont ciblées. [...] Ce n'est pas seulement virtuel, il y a des êtres humains réels à l'autre bout. »
Le procureur Gargam décrit « un prédateur, une araignée numérique sur la toile ». S'appuyant sur un faisceau d'éléments accablants, il réclame trois ans de suivi sociojudiciaire, assortis de deux ans en cas d'inexécution.
À la défense, Me Postollec plaide la relaxe à la demande de son client, qui nie en bloc. Il prétend que ses comptes ont été piratés, ou encore qu'il s'est fait passer pour un déviant afin de traquer les délinquants sexuels.
Sans aveux ni regrets
L'expertise psychiatrique le décrit comme un individu d'une intelligence au-dessus de la moyenne, sans maladie mentale, mais à tendance perverse, faisant craindre la récidive. Narcissique, il présente une image lisse et ne manifeste aucune remise en question. Fait inquiétant, mais sans incident connu : il s'est impliqué dans l'encadrement d'enfants au football. À une exception, toutefois, il avait été mis hors de cause pour une accusation de viol dans un vestiaire sportif, en 2006.
Les enquêteurs ont trouvé des traces d'images pornographiques de mineurs sur son smartphone, des SMS et des contenus explicites, ainsi que deux autres identités factices, via Skype : « Antobloguens », et « Sosotunisia ».
Autre détail troublant : un tout petit peu avant d'être placé en garde à vue, deux pseudos connectés ont disparu à une minute d'écart sur son réseau et à peine remis en liberté, son site était effacé...
Le tribunal condamne le prévenu à dix-huit mois de prison avec sursis mise à l'épreuve durant deux ans, avec obligation de soins, et interdiction pendant dix ans d'exercer une quelconque activité avec des mineurs. Il est inscrit au fichier national des auteurs d'infraction sexuelle (Fijeais). La partie civile obtient une indemnisation de 800 €.