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Victime d’insultes raciales, le chauffeur de bus n’a jamais pu retravailler

 

Très alcoolisé, le passager avait violemment injurié le chauffeur du bus qui reliait Saint-Malo à Saint-Méloir à l'été 2017. L'homme de 34 ans était jugé ce 5 décembre à St-Malo.

Pays Malouin / Samuel SAUNEUF. Publié le 06/12/19

Très alcoolisé, il avait violemment injurié le chauffeur du bus qui reliait Saint-Malo à Saint-Méloir à l’été 2017. L’homme de 34 ans était jugé ce 5 décembre 2019 à Saint-Malo. (© Illustration – DR)

« Je ne suis pas raciste du tout, du tout, du tout. » L’homme jugé à la barre du tribunal de Saint-Malo ce jeudi 5 décembre 2019 rétropédale autant qu’il peut.

Pourtant, le 27 août 2017 en fin d’après-midi, alors qu’il se trouvait dans le bus qui l’amenait de Cancale à Saint Méloir des Ondes, et alors qu’il ne voulait pas composter son billet, il a égrainé une longue litanie d’insultes raciales à l’encontre du chauffeur.

Il était échaudé par un premier trajet aller en sens inverse, où le même conducteur n’avait pas composté son billet.

Ils avaient bu 40 bières en famille

Sous les yeux de la caméra du bus et en compagnie de sa sœur, son beau-frère et ses deux nièces, il a eu des mots « qui dépassent l’entendement » décrit la présidente du tribunal. C’est qu’en famille, ils avaient bu 40 bières.

« Bande de nègres, vous puez, tes enfants aussi ! On aurait dû vous détruire, vous les Africains. »

Brouhaha général, l’agresseur donne deux coups de poing au chauffeur, qui explique au tribunal avoir eu peur que l’homme ait un couteau. « J’ai cru que c’était la fin », se souvient-il. Il appelle son responsable à la radio.

Devant ses nièces métisses

 L’agresseur lui, descend, tape dans le bus. « T’es un singe ! » La juge s’étonne : « Le pire monsieur, c’est que vous dîtes ça devant vos nièces qui sont également métisses. »

L’avocate du prévenu, Me Woirin, n’est pas bien convaincue de la version de la victime, et le suspecte de « grossir le trait. »

C’est d’ailleurs lui qui aurait lancé une première insulte, la vidéosurveillance en atteste :

« Mon client s’est senti attaqué. Je pense que le chauffeur était un peu échaudé, en plein été, avec des touristes qui ne disent pas forcément bonjour, etc. »

La crainte de mourir de la victime ? « Le prévenu était en tee-shirt et short, on le voit sur la vidéo, je ne vois pas comment on peut imaginer qu’il cache un couteau, il ne portait pas non plus une doudoune ! »

Le chauffeur licencié

En tout cas, ces injures raciales n’ont pas été sans conséquences : le chauffeur de bus n’a jamais pu retourner travailler. En arrêt de travail depuis plus de deux ans, l’homme est sous le coup d’un licenciement pour inaptitude et a perdu son travail.

Vivant dans l’angoisse, il a pris 50 kg et est suivi par un centre médico psychologique. « Mon œil maintenant ça va, c’est dans la tête que ça ne va pas. »

L’avocate du chauffeur maître Postollec sermonne fermement l’agresseur :

« Monsieur nous dit qu’il n’est pas raciste. Quand on a ce genre de propos c’est qu’il y a quand même un problème. »

Elle réclame une expertise psychiatrique pour que l’on détermine le préjudice total de son client, et demande 6 000 € de provision pour lui. Elle en obtiendra 4 000 € tandis que de l’autre côté de la barre, l’homme s’est tourné vers sa victime pour s’excuser avant d’être condamné à 10 mois de prison dont 5 avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. Le tribunal a ordonné immédiatement que ces 5 mois de détention soient aménagés par le port d’un bracelet électronique.

 
Lecerf Aloïs